Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/235

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mains, elle avoit peur encore de l’irriter. Elle eut recours aux pleurs ; mais il y parut insensible, de sorte qu’il sortit tout furieux. Ses larmes, qui n’étoient qu’un artifice, furent bientôt essuyées ; elle envoya quérir en même temps le duc de Sault, qu’elle conjura de la sortir de cette affaire, lui disant que, comme on la lui avoit faite en se servant de son nom, il y étoit engagé plus qu’il ne pensoit. Pour l’obliger à ne lui pas refuser son secours, elle lui promit le sien auprès de sa fille, et lui tint parole en femme d’honneur : car, après avoir su du duc de Sault les termes où il en étoit avec elle, elle acheva de disposer son esprit, qui étoit déjà prévenu en sa faveur.

Cependant elle stipula avec lui que cette intrigue se feroit sans préjudicier à ses droits ; et, pour s’assurer contre l’avenir, elle lui demanda des arrhes de ses promesses. Le duc de Sault avoit passé la nuit avec Louison d’Arquien[1], fameuse courtisane, et n’étoit guère en état de lui en donner ; mais, croyant qu’un homme de son âge avoit de grandes ressources, il lui demanda si elle vouloit de l’argent comptant ou remettre le paiement à la nuit suivante. Madame de Lionne, qui savoit que tout le monde est mortel, crut que l’argent comptant étoit préférable à toutes choses ; elle lui dit pourtant que, s’il n’avoit pas toute la somme sur lui, elle lui feroit crédit du reste jusqu’au temps qu’il lui demandoit.

Le duc de Sault entendit bien ce que cela vouloit dire. On prit une pile de carreaux pour faire une table où compter l’argent ; mais lorsqu’il vint

  1. Voy. ci-dessus, t. II, p. 431.