Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/239

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néanmoins, par arrêt du Parlement[1]. Cependant, quand il voulut poursuivre la chanson, qui avoit un autre couplet : « Halte-là, lui dit-elle, monsieur le duc ; quoique vous ayez une des qualités les plus nécessaires à un musicien, toutes les autres vous manquent, hors celle-là. Ainsi l’on peut dire que vous êtes de ceux à qui l’on donneroit une pistole pour chanter et dix pour se taire. » Le duc de Sault lui fit réponse qu’il n’avoit rien à dire contre ses reproches ; qu’après ce qu’il avoit fait elle ne le maltraitoit pas encore assez. Cependant, comme il s’humilioit si fort, il sentit une partie en lui qui commençoit à le vouloir dédire, et, croyant que sans attendre le bain il pourroit rétablir sa réputation, il vint aux approches, qui lui donnèrent encore l’espérance d’un heureux succès. Madame de Lionne fut extrêmement surprise et grandement aise en même temps d’un changement si inopiné. Néanmoins, se défiant de son bonheur, elle voulut mettre la main dessus pour n’en plus douter ; mais, comme il est difficile de la tromper sur l’article, elle n’eut pas plutôt touché qu’elle connut bien que ce seroit se repaître de chimères que de se flatter d’une meilleure fortune. Le duc de Saux en jugea de même, voyant que cette partie commençoit à pleurer lorsqu’il s’attendoit à lui voir prendre une figure plus décente. Il s’en alla dans un désespoir où il ne s’étoit jamais vu, et peu s’en fallut qu’il n’en donnât de tristes marques.

  1. Claude Petit, condamné au feu par le Parlement, à cause de couplets impies qu’il avoit publiés, fut brûlé en Grève. (Voy. Mémoires de Jean Rou, publiés par la Société de l’histoire du protestantisme françois, t. 2.)