Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/251

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si habile femme ; qu’elles ne seroient pas si glorieuses ; que cependant il n’y avoit point de différence entre leur tempérament et celui de leur grand’mère, sinon qu’elles avoient deux princes pour galans, au lieu qu’elle avoit toujours le premier venu ; que cependant le bruit étoit qu’elles n’avoient pas eu toujours le cœur si relevé ; que, si l’on en croyoit la médisance, elles n’avoient pas haï un de leurs domestiques ; qu’il n’en falloit pas parler de peur de leur faire tort, et que même il étoit prêt de signer, pour leur faire plaisir, que ce n’étoit qu’un conte inventé par quelque médisant.

Le maréchal de Grancey jura que c’étoit une fausseté ; qu’il étoit bien vrai que ce domestique leur étoit plus agréable que les autres, parce qu’il étoit bien fait de sa personne, qu’il se mettoit bien et qu’il avoit de l’esprit ; mais que, voyant qu’on en parloit dans le monde, il l’avoit chassé pour couper racine à toutes ces médisances. Pour autoriser ce qu’il venoit de dire, il demanda du vin, et dit qu’il vouloit boire encore quatre coups d’une main et autant de l’autre ; qu’après cela il jureroit la même chose, et que c’étoit une preuve qu’il n’avoit rien dit contre la vérité, puisqu’on savoit bien que les ivrognes n’avoient pas l’esprit de la déguiser. On n’eut garde de lui contester une chose si authentique, et l’on se retrancha sur l’amour de Monsieur[1], pour mademoiselle de Grancey, et sur celui de monsieur le Duc[2] pour la comtesse de Maré

  1. Monsieur, duc d’Anjou, frère de Louis XIV.
  2. M. le duc, fils du grand Condé.