Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/259

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principalement quand elle vit que sans se faire aucune violence, elle lui donnoit sa main à baiser. Le duc de Sault sortit dans le même temps, ce qui lui fit présumer que leurs affaires étoient bien avancées et que c’étoit sans doute des arrhes d’une plus grande promesse. Elle se résolut, si cela étoit, de traverser ces amants de tout son pouvoir, et, s’étant défaite du comte de Fiesque, elle envoya quérir une chaise à porteurs et fit semblant d’avoir affaire ce jour-là à des emplettes. Cependant elle ne sortit point qu’elle ne vît les chevaux au carrosse de sa fille, et, s’étant mise dans sa chaise, elle se défit de ses laquais, sous prétexte de quelque commission. Cette affaire faite, elle fit arrêter les porteurs au coin de la rue, et leur commanda de suivre le carrosse quand il sortiroit. Elle ne fut pas longtemps en embuscade : le carrosse fut aux Tuileries, du côté des écuries du Roi[1], et elle y fut presque aussitôt que sa fille.

Comme elle s’étoit déguisée, elle espéra qu’elle ne la reconnoîtroit pas. Néanmoins, se défiant de sa taille et de son air coquet, qui la faisoient remarquer entre mille autres, elle fit la boiteuse et la suivit. La marquise de Cœuvres fit deux tours d’allée, pour dépayser quelques personnes qu’elle avoit reconnues en entrant ; mais après cela elle prit le chemin de la porte du Pont Rouge[2], ce qui

  1. La grande écurie du Roi étoit située derrière le grand pavillon du château des Tuileries, du côté de la rue Saint-Honoré, entre cette rue et le logement du grand écuyer. Quant à la petite écurie, elle étoit entre la rue d’Enghien et la rue de la Michodière. C’est de la grande écurie qu’il est ici question.
  2. Le Pont-Rouge, autrefois, étoit le pont qui relioit