Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/263

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Tout y fut mandé, jusqu’au grand-père le maréchal[1] ; et comme son rang et son âge lui acquéroient sans contestation la première place dans le conseil, il écouta attentivement tout ce qu’on disoit, sans découvrir la moindre chose de son sentiment. La plupart furent d’avis qu’il falloit mettre la marquise en religion, et dirent que c’étoit là ce qu’on devoit attendre d’un mariage si mal assorti ; qu’il ne falloit jamais s’encanailler[2], et que, si leur parent avoit épousé une personne de sa condition, il ne seroit pas réduit, comme il étoit maintenant, à demander justice. Quelques-uns renchérirent encore là-dessus, et dirent qu’un méchant arbre ne portoit jamais que de méchants fruits ; que, la mère ayant fait profession toute sa vie de galanterie, il falloit bien s’attendre que sa fille lui ressembleroit ; qu’il y avoit déjà assez de p…… dans leur race, sans y mettre encore celle-là ; qu’il falloit non-seulement la mettre en religion, mais encore lui empêcher de porter jamais le nom de la maison.

Le bonhomme le maréchal avoit rougi pendant ce discours, et tout ce qu’il y avoit de gens dans la compagnie, qui l’avoient remarqué, avoient cru que c’étoient à cause du ressentiment qu’il en avoit ou de quelque mal inopiné qui lui étoit venu. Mais on vit bien, lorsqu’on eut cessé de parler, que ce n’étoit rien moins que cela, et

  1. Voy. t. 1, p. 244. — Le vieux maréchal étant mort le 5 mai 1670, cette date aide à fixer l’époque où fut composé ce pamphlet, qui ne peut être antérieur à 1669.
  2. Le mot s’encanailler est signalé dans le Dictionnaire des Précieuses comme ayant été inventé par la comtesse de Maulny.