Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/264

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l’on n’en put plus douter sitôt qu’on lui eut ouï tenir ce discours : « J’enrage, corbleu ! quand je vous entends parler de la sorte. Vous faites bien les délicats, vous qui ne seriez pas ici, non plus que moi[1], si nos mères n’avoient forligné. Nous savons ce que nous savons, mais sachez que le plus beau de notre nez ne vient que d’emprunt, et nous en avons en ligne directe, aussi bien qu’en collatérale, tant de sujet de nous louer des habiles femmes que nous avons dans notre maison, que je m’étonne que vous en vouliez bannir celles qui leur ressemblent. Quand j’ai marié mon petit-fils de Cœuvres avec mademoiselle de Lionne, croyez-vous que j’aie considéré, ni qu’elle étoit fille d’un ministre d’État, ni qu’elle avoit du bien, ni qu’elle avoit du crédit ? Ce sont des vues trop bornées pour un homme de mon âge et de mon expérience ; et toute ma pensée a été qu’étant belle comme elle étoit, elle pourroit faire revivre la grandeur de notre maison, laquelle, comme vous savez, tire sa considération, non pas du côté des mâles, mais du côté des femelles. Si je me suis trompé, ce n’est pas ma faute ; mon intention a été bonne en cela, aussi bien que dans mon mariage avec mademoiselle de Manicamp[2]. En effet, ma femme étoit

  1. La mère du maréchal d’Estrées étoit Françoise Babou de la Bourdaisière, et il étoit frère de Gabrielle, marquise de Monceaux, duchesse de Beaufort, maîtresse de Henri IV.
  2. Le maréchal d’Estrées eut trois femmes. Il épousa d’abord Marie de Béthune-Charost, morte en 1628 ; puis Anne-Hubert de Montmort, veuve de Charles de Thémines, morte le 25 juillet 1661 ; et enfin Gabrielle de Longueval, fille d’Achille, seigneur de Manicamp, qui mourut le 11 février 1687, dix-sept ans après lui. Mademoiselle de Longueval