Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/27

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Aignan sur les moyens de pouvoir entretenir seul à seul la personne pour qui il avoit conçu tant de tendresse. Le duc fut ravi de ce que le Roi lui faisoit confidence de ses nouvelles inclinations, comme il avoit fait des premières ; il va, il cherche, et fait tant de perquisitions qu’il apprend que madame de Fontange devoit se trouver le lendemain aux Tuileries avec madame D. L. M. ; il le dit au Roi, qui y alla, et trouva l’occasion aussi favorable qu’il la pouvoit souhaiter. Il eut une longue conférence avec cette belle, où ses regards lui en apprirent plus que ses paroles, parce que, suivant le conseil qu’on lui avoit donné, elle accompagna tous ses discours de tant de modestie que le Roi ne put s’empêcher de lui reprocher son peu de sensibilité. Elle ne se défendit de ce reproche que sur l’estime qu’elle avoit pour Sa Majesté. « Ah ! Dieu, reprit le Roi, l’estime est une chose qui ne me satisfait point quand elle va toute seule ; c’est à votre cœur que j’en veux, et tant que vous m’en refuserez la tendresse, je me tiendrai malheureux. Eh quoi ! poursuivit-il, est-ce vous blesser que de vous dire que votre mérite me force à ne plus vivre que pour vous, et que, si vous voulez, vous trouverez en m’aimant toutes les douceurs qu’on peut espérer de la plus sincère correspondance ! — Ah ! Sire, dit mademoiselle de Fontange, ne pouvant perdre le souvenir de ce que vous êtes et de ce que je suis, permettez-moi de vous dire qu’il n’y a guère apparence que Votre Majesté parle sérieusement. — Que faut-il donc, reprit le Roi, pour vous justifier la sincérité de mes intentions ? Est-ce que ces paroles ne sont pas expressives : Je vous aime ! —