Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/26

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court qu’un jour le commença et le suivant le finit ; sa complaisance, un peu trop prompte, gâta tout, et, pour vouloir être trop tôt heureuse, elle devint malheureuse en un moment. — Il est néanmoins bien difficile, dit madame de Fontange, d’aimer avec ardeur sans pouvoir le dire, lorsque l’objet que nous chérissons le requiert de nous avec empressement, et je me suis toujours laissé dire que le Roi, en matière d’amour, est ennemi du retardement ; qu’il est impatient au dernier point, et que si, dès la première ouverture qu’il fait, on ne lui donne pas à connoître ce qu’on ressent pour lui, il se lasse, il se rebute, et porte son inclination d’un autre côté. Ce seroit beaucoup que de s’exposer à ce malheur par sa conduite. — Vous avez raison, reprit madame D. L. M., et, pour s’assurer du succès d’une affaire, il faut toujours éviter les deux extrémités ; il y a un certain milieu entre toutes choses, dont on ne peut s’éloigner sans prendre un mauvais chemin. C’est là mon sentiment, et l’exemple que je vous ai proposé vous doit servir de règle. »

Cependant le Roi n’étoit pas oisif : il ne pensoit qu’à sa belle ; le désir de la posséder bientôt lui fit chercher avec un soin extraordinaire l’occasion de lui parler. Il fut deux jours sans pouvoir la trouver assez favorable pour lui dire quelque chose de particulier. Il la voyoit presque tous les jours, tantôt chez la Reine ou chez Madame, et, plus il la regardoit, plus il en devenoit amoureux. Ces deux jours lui durèrent un siècle[1], et l’impatience où il étoit lui fit consulter le duc de Saint-

  1. Les éditions qui se sont écartées du texte primitif y rentrent pour un instant, depuis cette phrase. Voy. plus haut.