Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/274

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mon malheur pour vous dire qu’il n’y a que vous qui me puissiez guérir ; si vous en voulez faire l’expérience sur les deux heures après minuit, je sais un secret infaillible de me rendre à la porte de votre appartement. Vous savez que vous ne risquez rien, votre époux ne devant revenir de Versailles que demain au soir. Pour peu que vous aimiez ma santé, vous accepterez le parti ; vous savez qu’un vieux mal est dangereux, et si vous laissez davantage enraciner le mien, prenez garde qu’il ne devienne incurable.

Madame de Cœuvres n’étoit pas si fâchée, qu’une offre comme celle-là n’apaisât sa colère. C’est pourquoi elle dit à celui qui lui avoit donné cette lettre, qu’il n’avoit qu’à venir. Cependant celui-ci, s’en étant retourné à l’hôtel de Lesdiguières[1], ne prit pas garde que l’évêque de Laon étoit entré dans le cabinet du duc de Sault, où il écrivoit une lettre, et lui cria dès la porte : « Bonne nouvelle ! bonne nouvelle ! » Le duc de Sault lui fit signe des yeux de ne rien dire ; mais c’en étoit assez pour cet évêque, qui étoit alerte, et qui redoubla ses soupçons quand il vit que celui qui avoit parlé étoit l’agent d’amour du duc. Il ne put pourtant asseoir aucun jugement ; mais, comme il se doutoit que c’étoit quelque rendez-vous pour la nuit suivante, il résolut de faire si bonne garde qu’il pût reconnoître si sa nièce n’y avoit point de part : car, comme j’ai

  1. L’hôtel de Lesdiguières étoit cette superbe maison qu’avoit fait construire Sébastien Zamet dans la rue de la Cerisaie. François de Bonne, premier duc de Lesdiguières, l’avoit achetée de lui.