Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/292

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en l’épousant, avoit été plus hardi que dans toutes les entreprises de guerre qu’il avoit jamais faites : car il falloit, ou qu’elle eût été changée en nourrice, ou qu’elle ressemblât à toutes ses parentes, qui avoient été du métier ; en quoi on voyoit un bel exemple dans sa sœur la comtesse d’Olonne, que Bussy a tâché autant qu’il a pu de rendre fameuse, mais où il n’a perdu que ses peines, la copie qu’il en a faite n’approchant en rien de l’original. Cette femme, quoique d’une beauté fort médiocre, et beaucoup au-dessous de celle de sa sœur, présumoit néanmoins tant d’elle-même, qu’elle croyoit que tout le monde dût être enchanté de son mérite. Son mari, le plus brutal homme qui fut jamais, se doutant bien qu’il avoit beaucoup risqué en l’épousant, lui avoit fait un compliment fort cavalier le lendemain de ses noces : « Corbleu, Madame, lui avoit-il dit, vous voilà donc ma femme, et vous ne doutez pas que ce ne vous soit un grand honneur ; mais je vous avertis de bonne heure que si vous vous avisez de ressembler à votre sœur, et à une infinité de vos parentes qui ne valent rien, vous y trouverez votre perte. » La dame, qui avoit pris sa brutalité de la nuit pour un excès d’amour, fut détrompée par ces paroles, et comme il passoit dans le monde pour n’y avoir point de raillerie à faire avec lui, elle se contint quelque temps, mais non pas sans faire grande violence à son tempérament.

Les emplois qu’il avoit à la guerre, et qui l’éloignoient d’elle une grande partie de l’année, lui donnoient cependant beau jeu pour le tromper ; mais il y avoit pourvu en laissant des gens