Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/295

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avoit un valet de chambre parfaitement bien fait, qui même sentoit son bien ; ainsi, croyant que, si elle lui pouvoit inspirer le dessein d’aimer sa maîtresse, à quoi son âge et l’occasion qu’il avoit d’en devenir amoureux vouloient qu’il prêtât l’oreille facilement, ce lui seroit un moyen de signaler sa vengeance.

S’étant mis cette affaire en tête, elle envoya quérir un matin ce valet de chambre, et fut fort contente de son esprit, qui étoit la pièce la plus nécessaire pour faire réussir son dessein. Ce qui lui plut encore beaucoup, c’est que ce garçon, qui étoit d’une honnête famille, et que la nécessité avoit obligé à se mettre en condition, ne lui voulut rien dire de sa naissance ; sur quoi elle inventa une chose fort adroite et qui ne lui servit pas peu. Ce fut de faire insinuer à sa sœur, par le marquis de Beuvron, que c’étoit une personne de qualité, et qu’il falloit absolument qu’il fût amoureux d’elle pour s’être déguisé de la sorte. La maréchale, qui n’avoit peut-être point fait de réflexion jusque-là sur sa bonne mine, eut plus d’attention après cela à le regarder, et comme elle le trouva parfaitement bien fait, et qu’on se met facilement en tête ce que l’on souhaite, elle prit pour une vérité la fable qu’on lui avoit débitée. Pour en être plus sûre, elle l’interrogea elle-même sur son pays et sur sa naissance ; mais les mêmes raisons qui l’avoient obligé de cacher l’un et l’autre à la comtesse d’Olonne subsistant toujours pour lui, il eut les mêmes réserves avec elle, tellement qu’elle expliqua son silence à son avantage.

Le marquis de Beuvron, qui ne l’alloit voir que pour découvrir ses sentiments, la trouva