Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle avoit remarqué qu’il aimoit passionnément les cheveux ; et comme elle étoit bien aise de rendre sa passion plus forte, elle avoit souffert qu’il l’eût peignée deux ou trois fois, quoique ce fût aux dépens de sa tête, qu’il n’entendoit pas à manier. Mais le feu qu’elle lui voyoit briller dans les yeux avoit été cause qu’elle n’avoit pas pris garde au mal qu’il lui avoit fait, et, croyant que cela seroit encore capable de l’animer, elle le fit appeler un jour qu’elle étoit à sa toilette, sous prétexte de lui faire écrire quelques lettres. Etant venu, elle fit retirer ses gens, comme si elle eût eu quelque chose de particulier à lui dicter ; mais, lui présentant ses peignes au lieu d’une plume elle le mit si bien en humeur, à force de lui dire des choses obligeantes, qu’il devint rouge comme du feu. C’en eût été plus qu’il n’en falloit à un homme du monde ; mais lui, qui avoit peur de manquer de respect et de faire quelque chose qui le fît chasser, auroit encore été assez bête pour ne pas profiter de l’occasion, si elle, qui voyoit sa sottise, ne l’eût attiré sur ses genoux, où elle lui fit tant d’avances, qu’il ne put plus douter de sa bonne fortune. Ce lui fut donc un signal auquel il se rendit, et, le lit n’étant pas encore fait, il en usa si bien en une demi-heure de temps qu’il demeura avec elle, qu’elle conçut une grande estime de son mérite. Elle auroit bien voulu n’avoir point de mesures à garder, pour profiter encore une heure ou deux de son entretien ; mais, ayant peur que ses gens n’en jugeassent mal, elle lui dit de fermer deux ou trois feuilles de papier blanc comme si c’étoient des lettres, et après qu’elle se fut remise d’un