Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/299

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certain désordre inévitable dans ces sortes de rencontres, elle fit venir une bougie, comme s’il eût été besoin de cacheter ces lettres.

Personne ne se douta de cette intrigue, et si le ressentiment que la comtesse d’Olonne avoit contre le maréchal lui eût pu permettre d’être un peu moins méchante, elle auroit duré longtemps sans que personne s’en fût aperçu. Mais ayant pris à tâche de le faire enrager, elle les fit si bien observer l’un et l’autre qu’elle ne douta point que ses desseins n’eussent réussi. Chaque jour elle se confirma dans cette opinion par les différents rapports que lui firent ceux qu’elle avoit mis en campagne. Ainsi, tenant la chose aussi sûre qu’un article de foi, elle ne sut pas plustôt que le maréchal devoit revenir de l’armée qu’elle emprunta une main pour lui faire part d’une nouvelle si charmante. Il reçut cette lettre comme il étoit sur le point de son départ, et, la voyant sans signature et d’un caractère inconnu, sa première pensée fut qu’on lui vouloit faire pièce. Cependant, comme il étoit jaloux naturellement, il résolut de profiter de l’avis et d’examiner si bien la conduite de l’un et de l’autre que rien ne pût échapper à sa pénétration.

Il arriva à Paris dans ces sentiments, et la dissimulation lui étant nécessaire, il traita sa femme avec tant d’amitié qu’il eût fallu qu’elle eût été devine pour savoir ce qui se passoit dans son âme. Le croyant si éloigné de soupçon, elle n’eut garde de ne pas traiter son favori comme elle avoit fait avant sa venue, et, le pauvre cocu n’ayant pas été longtemps sans s’en apercevoir, il fut plus politique qu’on n’auroit cru de lui : car, quoiqu’il