Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/30

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ma foiblesse. » En un mot il est charmé, il meurt pour sa belle et voudroit être en lieu de pouvoir se jeter à ses genoux pour la remercier comme il doit des tendres marques de son amour. Le Roi étoit dans ces transports de joie lorsque le duc de Saint-Aignan entra. Tout autre que lui auroit été incommode dans ce moment ; le Roi fut bien aise de le voir ; il ne l’entretint que des qualités engageantes de mademoiselle de Fontange. Le duc, qui sait faire sa cour autant qu’homme du monde, témoigna au Roi qu’il ne pouvoit pas mieux placer ses affections, que le choix qu’il avoit fait ne pouvoit pas être plus juste, et que dans toute sa Cour il n’y avoit pas une fille dont le mérite fût plus éclatant. Le Roi fut ravi de voir qu’on approuvoit ainsi ses élections ; il s’étendit sur les louanges de son amante. « Non, dit-il au duc, on ne peut pas voir une taille mieux prise ; elle a le plus bel œil qu’on ait jamais vu ; sa bouche est petite et vermeille, et son teint et sa gorge sont admirables ; mais ce qui me charme davantage, c’est un certain air doux et modeste qui n’a rien de farouche ni de trop libre. » Le duc ne manqua pas de relever encore tout ce que le Roi avoit dit, et il poussa sa complaisance si loin qu’il eût été difficile de rien ajouter à un portrait si achevé.

On ne faisoit donc plus de mystère de l’amour du Roi ; il n’y avoit que mademoiselle de Fontange qui souhaitoit que Sa Majesté en tînt le secret caché le plus qu’elle pourroit ; mais c’étoit demander une chose inutile, et, dans un entretien particulier qu’il eut avec elle le jour d’après celui qu’il reçut la lettre, il leva toutes ses craintes et la fit résoudre