Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/300

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fût la brutalité même, il prit le parti, pour assurer sa vengeance, de ne rien témoigner ; ce qui trompa si bien sa femme, qu’elle lui fit voir plusieurs fois, sans qu’il en pût plus douter, qu’il étoit de la grande confrérie. Son ressentiment ne fut pas moins grand pour en être caché ; au contraire, il ne lui laissoit repos ni jour ni nuit ; ce qui donna beaucoup de joie à la comtesse d’Olonne, qui étoit trop clairvoyante pour ne pas voir au travers de tous ses déguisements qu’il avoit tout ce qu’elle pouvoit désirer : car elle sut qu’il tenoit des gens en campagne pour observer la maréchale, et que même il avoit fait marché avec eux pour assassiner le valet de chambre.

En effet, ce fut d’abord son premier dessein ; mais ayant fait réflexion que ces sortes de gens, étant sujets à beaucoup d’aventures, pourroient un jour l’accuser, il le rompit pour prendre des mesures plus justes. La comtesse d’Olonne, qui découvroit tous les jours de plus en plus son inquiétude, triomphoit cependant, faisant voir par là qu’une femme peut être touchée en même temps de deux grandes passions, puisqu’on voyoit en elle, dans un même degré, et le désir de vengeance et le soin de faire l’amour.

Le marquis de Beuvron étoit toujours son tenant ; mais, comme il lui falloit partager sa bonne fortune avec un nombre infini de gens de toutes sortes de conditions, le chagrin lui prit, et, pour se venger, il fut dire à la maréchale la pièce que sa sœur lui avoit faite. Il est aisé de comprendre l’embarras et la colère où elle se trouva à cette nouvelle, et l’on en peut juger par la résolution qu’elle prit. Quoique l’amour qu’elle avoit pour