Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/302

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après dans son gouvernement de Lorraine[1], il l’assassina lui-même, afin que personne ne pût dire ce qu’il étoit devenu. La chose se passa de cette manière : il fit semblant d’avoir fait une amourette, et y alla deux ou trois fois, ne menant avec lui que ce valet de chambre ; ce qui donnoit de la jalousie aux autres, croyant qu’il n’y avoit plus que lui qui eût l’oreille de leur maître. Mais un jour, lui ayant dit de mettre pied à terre pour raccommoder quelque chose à son étrier, il lui tira un coup de pistolet dans la tête, dont il tomba roide mort sur la place. Cette belle action étant faite, il s’en revint de sang-froid à Nancy, où, feignant d’être en peine tout le premier de ce qu’étoit devenu ce malheureux, qu’il disoit avoir envoyé quelque part, enfin sa destinée se découvrit, ayant été reconnu par quelques troupes. Comme la garnison de Luxembourg couroit, on lui attribua ce meurtre, dont le maréchal feignant d’être fort en colère, il envoya brûler un village de ce duché, quoiqu’il payât contribution.

Comme personne ne savoit le sujet qu’il avoit de vouloir du mal à ce malheureux, on n’eut garde de lui imputer une si méchante action, et même sa femme crut que tout ce qu’on contoit de sa mort étoit véritable. Elle l’avoit presque oublié depuis qu’il étoit parti ; ainsi elle fut ravie d’en être défaite. Cependant sa joye ne fut pas

  1. Le maréchal de La Ferté n’étoit pas gouverneur de la Lorraine ; mais il avoit, en Lorraine, les gouvernements des pays et évêchés de Metz et de Verdun, puis des villes et citadelles de Metz et de Moyenvic.