Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/303

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de longue durée : le marquis de Beuvron, qui, comme j’ai déjà dit, étoit un fin Normand, ayant pris soin de s’informer de toutes les circonstances de ce meurtre, et n’ayant eu garde de prendre le change, dit à madame d’Olonne, avec qui il s’étoit raccommodé, que sa sœur étoit en grand péril, et que, s’ils faisoient bien, ils devoient l’en avertir. Madame d’Olonne, ayant fait réflexion à la chose, ne douta point qu’il n’eût raison, et l’ayant chargé de l’aller trouver, il s’y en fut, et la rencontra fort parée : car, comme elle croyoit n’avoir plus rien à craindre, elle ne songeoit plus qu’à faire un nouvel amant.

Le marquis de Beuvron, ayant cette méchante nouvelle à lui apprendre, avoit composé son visage selon l’état qu’il croyoit le plus convenable ; ce que la maréchale ayant remarqué, elle le prévint, lui disant avec un air gai qu’on voyoit bien qu’il étoit amoureux, et que cela paroissoit sur son visage. — « Cela peut être, Madame, lui répliqua Beuvron, et je n’ai garde de m’en défendre ; mais je vous assure que ce qui y paroît maintenant ne vient point de là, et que c’est plutôt un effet de l’amitié, car enfin, quoique ce ne soit pas être fort galant que de vous dire que je n’ai pas d’amour pour vous, je vous assure que je n’ai pas moins d’inquiétude pour ce qui vous regarde. » Il lui apprit là-dessus tout ce qui s’étoit passé à l’armée. A quoi la maréchale s’étant voulu opposer, par la forte prévention où elle étoit que les choses alloient autrement, il la désabusa si bien qu’il la jeta dans une forte inquiétude. Si elle eût su que tout ce mal lui fût venu de sa sœur, elle ne lui auroit jamais pardonné ;