Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/306

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le maréchal seroit moins jaloux de lui que d’un autre ; qu’il le croyoit perdu d’amour, aussi bien que tout le monde, pour la comtesse d’Olonne ; de sorte que, quand même son attachement parviendroit jusqu’à ses oreilles, il seroit le dernier à le vouloir croire. A l’égard de l’autre, qu’elle l’estimoit pour un homme de bien peu de cœur, ou pour bien aveuglé, pour s’imaginer qu’après la conduite qu’avoit la comtesse d’Olonne, il pût continuer de l’aimer ; qu’il étoit confiant naturellement, mais qu’il n’étoit pas insensible ; qu’il lui avouoit de bonne foi que c’étoit le dépit qui avoit commencé à le dégager, mais que l’amour qu’il avoit pour elle avoit achevé le reste ; qu’elle n’avoit pas à la vérité les traits aussi réguliers que sa sœur, mais qu’en récompense la moindre de ses qualités effaçoit toutes les siennes.

C’en étoit dire beaucoup pour être cru : car la comtesse d’Olonne étoit sans contredit une des plus belles femmes de France. Mais le marquis de Beuvron ajoutant à son discours quelques actions qui prouvoient qu’il étoit véritablement touché, il n’en fallut pas davantage pour le faire croire à la dame, qui, comme nous avons déjà dit, avoit fort bonne opinion d’elle-même. Ainsi, comme elle ne manquoit pas d’appétit, et qu’il lui sembloit assez bien fait pour prendre la place du valet de chambre, elle ne fit plus autrement de façon pour témoigner qu’elle doutoit de son discours. Au contraire, elle lui parla fort de l’obligation qu’elle lui avoit des bons avis qu’il lui avoit donnés, afin que, si elle venoit à avoir de la foiblesse, il l’attribuât à sa reconnoissance. Le