Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/307

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marquis de Beuvron, qui savoit vivre, entendit bien ce que cela vouloit dire, et, sans laisser traîner la chose plus longtemps, il eut toute sorte de contentement.

La dame trouva qu’il étoit un bon acteur dans la comédie qu’ils avoient jouée ensemble, et elle ne l’auroit jamais cru, à voir sa taille mince et son air dégagé. Mais son poil[1] suppléoit à tout cela, outre que la dame lui paroissoit assez bien faite pour faire quelque chose d’extraordinaire pour elle. Elle lui demanda, dans le plaisir, laquelle lui en donnoit davantage, ou d’elle ou de sa sœur ; et comme son intrigue avec elle étoit si publique qu’il n’y avoit personne qui n’en fût abreuvé, il crut que de se retrancher sur la négative n’étoit plus de saison ; si bien que, sans faire le discret, il lui dit franchement que c’étoit elle. Elle feignit de ne pas le croire, sous prétexte que ses transports ne lui avoient pas paru assez violents ; mais ce qu’elle en disoit n’étoit que pour lui donner lieu de recommencer ; ce que Beuvron ayant bien reconnu, il s’acquitta si bien de son devoir, qu’elle fut obligée d’avouer que, s’il ne l’aimoit pas, du moins la traitoit-il comme s’il l’eût aimée.

Les choses s’étant passées de la sorte, il est aisé de juger qu’ils se séparèrent bons amis, et avec intention de se revoir bientôt. En effet, il se fit diverses entrevues entre eux, dont personne ne jugea mal, tant on le croyoit attaché à sa sœur. Cependant le comte d’Olonne ne s’y trompa pas, et ce fut merveilles, lui qui ne passoit

  1. Il est noir. (Note du texte.)