Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/320

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il reprendroit son estime, ce qui ne manqueroit pas de produire tout ce qu’elle pouvoit espérer.

Le duc de Longueville tenoit trop au cœur de la maréchale pour ne pas accepter ce parti. Elle remercia le comte de Fiesque des bons avis qu’il lui donnoit, et sans se mettre aucunement en peine de lui persuader que tout cela n’étoit que médisance, elle ne fit paroître d’inquiétude que pour savoir si, en chassant ainsi tout le monde, elle pouvoit espérer que cela pût contenter son ami. Le comte de Fiesque lui dit qu’elle ne le devoit pas mettre en doute, et qu’il alloit prendre soin, de son côté, de lui faire voir qu’une femme qui, sans le connoître, étoit capable de tant faire pour lui, le seroit de toutes choses quand il auroit quelque reconnoissance.

C’est ainsi que la maréchale renversoit les lois de la nature, par les nécessités de son tempérament, ou, pour mieux dire, par une paillardise[1] qui n’avoit point de pareille : car, sans considérer que c’est aux femmes à attendre que les hommes les prient, il est tout évident que ce qu’elle faisoit étoit prier le duc de Longueville. Le comte de Fiesque, qui croyoit la connoître, c’est-à-dire qui pensoit qu’elle auroit de la peine à se défaire de plusieurs favoris pour n’en avoir plus qu’un seul, ne dit rien d’abord de cette conversation au duc de Longueville ; mais, quand il vit que, pour commencer à effectuer de bonne foi ce qu’elle lui avoit promis, elle avoit donné congé au comte d’Olonne, au marquis d’Effiat[2], et à

  1. Var. : Edit. 1754 : effronterie.
  2. Antoine Ruzé, marquis d’Effiat, chevalier des ordres du Roi, premier écuyer de Philippe, duc d’Orléans. Il fit partie du conseil de régence pendant la minorité de Louis XV. Né en 1638, il mourut en 1719, sans laisser de postérité. Cf. t. 2, p. 406.