Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/319

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n’avois peur que cela ne vous fût désagréable, je vous dirois tout ce qu’il m’en a dit. » — La maréchale rougit à ces paroles ; mais l’envie qu’elle avoit de conduire cette intrigue à une bonne fin la faisant passer par dessus toutes choses, elle ne se soucia point de s’entendre dire quelques vérités, pourvu que cela lui pût être utile. Elle le conjura donc de ne lui rien céler, disant que, bien loin de le trouver mauvais, elle lui vouloit beaucoup de mal de ne l’en avoir pas avertie plus tôt ; que cette réserve n’étoit pas d’un bon ami, comme elle l’avoit toujours estimé, et que, s’il ne réparoit cette faute à l’heure même, elle ne la lui pardonneroit jamais.

De Fiesque, reconnoissant à son empressement qu’il lui feroit plaisir de lui parler sans fard, lui dit que le duc de Longueville trouvoit à redire qu’elle vît tant de monde ; qu’il lui avoit avoué plusieurs fois qu’il la trouvoit belle, et que même elle ne pouvoit être plus à son gré ; mais que toute cette cohue qu’elle voyoit lui faisoit peur ; surtout qu’il ne pouvoit penser qu’elle aimât le comte d’Olonne, comme on le disoit dans le monde, sans perdre beaucoup de l’estime qu’il avoit pour elle ; qu’il disoit, entre autres choses, que d’aimer ainsi un aussi vilain homme, et qui étoit son beau-frère, c’étoit une marque de la débauche la plus achevée qui fut jamais ; que, si elle avoit quelque dessein sur lui, il falloit commencer par réformer sa conduite ; que pour lui rendre service il ne manqueroit pas de lui apprendre que c’étoit pour l’amour de lui qu’elle le faisoit ; qu’ainsi, se défaisant peu à peu des méchantes impressions qu’il s’étoit pu former,