Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ces paroles, qui disoient beaucoup de choses, sans néanmoins expliquer rien de positif, donnèrent bien à penser à la maréchale. Cependant, pour ne lui rien donner à connoître de ce qui se passoit dans son âme, elle se retira en même temps, et le duc de Longueville l’étant venu voir une heure après, elle lui conta ce qui lui étoit arrivé : ce qui ne les empêcha pas, ni l’un ni l’autre, de recommencer sur nouveaux frais. Le nom du père de l’enfant étoit bien expliqué dans la lettre que le maréchal avoit reçue ; ainsi la visite du duc lui fut suspecte, et dorénavant il s’informa, à tous les carrosses qu’il entendoit entrer, qui c’étoit. On lui dit chaque jour que ce duc étoit du nombre de ceux qui visitoient sa femme, et cette assiduité ne lui persuada que trop qu’on lui avoit mandé la vérité.

Cependant, le Roi ayant entrepris de faire la guerre aux Hollandois[1], tout ce qu’il y avoit de gens de qualité songea à suivre un si grand prince, et le duc de Longueville entre autres, qui avoit un régiment de cavalerie. La maréchale le vit partir avec moins de chagrin qu’on n’auroit cru, car il y avoit quelques jours qu’ils s’étoient brouillés, à cause de la comtesse de Nogent[2], qu’on lui avoit dit qu’il aimoit. Il n’y avoit pas beaucoup d’apparence que cela fût, et cette comtesse, qui étoit sœur du comte de Lauzun, n’avoit ni sa taille, ni son air, ni sa beauté ; mais, rien n’étant capable de guérir un esprit attaqué de jalousie, elle s’imprima si bien ce soupçon, qu’il passa

  1. En 1672.
  2. Sœur de Lauzun. Voy. t. 2, passim, et ci-dessous, p. 322.