Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/333

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chez elle pour une vérité. Et à dire vrai, si le tout n’étoit pas véritable, il y en avoit du moins une partie, car il est constant que cette dame aimoit ce jeune prince éperdument, de quoi elle ne s’étoit pu empêcher de donner des marques en plusieurs rencontres.

Quoi qu’il en soit, le Roi ayant fixé le jour de son départ, le duc de Longueville ne se mit pas beaucoup en peine de désabuser la maréchale, et partit sans vouloir un grand éclaircissement avec elle : car il étoit devenu jaloux, de son côté, de ce qu’elle voyoit Bechameil[1], personnage de la lie du peuple, mais qui étoit plus riche que beaucoup de personnes de condition, qualité fort charmante pour elle, surtout quand on étoit libéral. Cependant, quoique le petit bourgeois fût fort passionné, elle n’avoit pas encore répondu à son amour, craignant d’irriter le duc, qui s’étoit si fort déclaré de ne vouloir point de compagnon, qu’elle n’osoit faire voir à l’autre la complaisance qu’elle avoit pour ses richesses.

S’étant séparés de la sorte, ils n’eurent pas grand soin de s’écrire : dont Bechameil profitant, il trouva moyen de se rendre agréable à la maréchale par les offres qu’il lui fit de sa bourse en même temps que de son cœur. Elle refusa néanmoins l’un et l’autre d’abord, craignant que le duc de Longueville n’eût laissé quelqu’un à Paris pour prendre garde à sa conduite ; mais ce prince ayant été tué six semaines après son départ, au

  1. Louis de Bechameil, marquis de Nointel, né vers 1617, étoit alors conseiller au Parlement et secrétaire du Conseil ; il devint plus tard, en 1674, maître des requêtes ordinaires de l’hôtel du Roi. Il fut aussi intendant de Bretagne.