Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/370

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On n’eut garde de ne se pas rendre à de si bonnes raisons, et, chacun ayant calmé sa colère, on complimenta le prince sur l’avantage qui revenoit à l’ordre d’avoir une personne de sa naissance, et il n’y en eut point qui ne s’offrît à lui donner toute sorte de contentement. Il se montra fort civil envers tout le monde et promit qu’on verroit dans peu qu’il ne seroit pas le moins zélé des chevaliers. En effet, il n’eut pas plustôt révélé les mystères à ses amis, que chacun se fit un mérite d’entrer dans l’ordre, de sorte qu’il fut bientôt rempli de toute sorte d’honnêtes gens.

Mais comme le trop grand zèle est nuisible en toutes choses, le Roi fut bientôt averti de ce qui se passoit, et que même on avoit séduit un autre prince, en qui il prenoit encore plus d’intérêt qu’en celui dont je viens de parler. Le Roi, qui haïssoit à la mort ces sortes de débauches, voulut beaucoup de mal à tous ceux qui en étoient accusés ; mais eux, qui ne croyoient pas qu’on les en pût convaincre, se présentèrent devant lui comme auparavant, jusqu’à ce que, s’étant informé plus particulièrement de la chose, il en relégua quelques-uns dans des villes éloignées de la cour, fit donner le fouet à un de ces princes en sa présence, envoya l’autre à Chantilly[1], et enfin témoigna une si grande aversion pour tous ceux qui y avoient trempé que personne n’osa parler pour eux.

Le chevalier de Tilladet, qui étoit cousin germain du marquis de Louvois[2], se servit de la faveur

  1. Chantilly appartenoit au prince de Condé.
  2. Voy. plus haut la filiation, note 274, p. 348.