Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/369

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pas gardé le secret, il se répandit bientôt un bruit de tout ce qui s’étoit passé dans cette maison de campagne, de sorte que les uns excités par leur inclination, les autres par la nouveauté du fait, s’empressèrent d’entrer dans l’ordre.

Un prince, dont il ne m’est pas permis de révéler le nom, ayant eu ce désir, fut présenté au chapitre par le marquis de Biran, et ayant demandé à être relevé des cérémonies, on lui fit réponse que cela ne se pouvoit et qu’il falloit qu’il montrât exemple aux autres. Tout ce qu’on fit pour lui, c’est qu’on lui accorda qu’il choisiroit celui des grands-maîtres qui lui plairoit le plus ; et il choisit celui qui l’avoit présenté, ce qui fit grand dépit aux autres, qui le voyoient beau, jeune et bien fait.

Cette grâce fut encore suivie d’une autre qu’on lui accorda, savoir : qu’il pourroit choisir de tous les frères celui qui lui seroit le plus agréable, dont néanmoins la plupart commencèrent à murmurer, disant que, puisqu’on violoit sitôt les règles, tout seroit bientôt perverti. Mais on leur fit réponse que ces règles, quelque étroites qu’elles pussent être, pouvoient souffrir quelque modération à l’égard d’une personne de si grande qualité ; que, quoiqu’on eût dit qu’elles seroient égales pour tout le monde, c’est qu’on n’avoit pas cru qu’il se dût présenter un prince d’un si haut rang ; que comme à Malte les princes de maison souveraine étoient naturellement chevaliers grand’-croix, il étoit bien juste qu’ils eussent pareillement quelque privilége dans leur ordre ; autrement qu’ils n’y entreroient pas, ce qui ne leur apporteroit pas grand honneur.