Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’arracher de l’esprit de la jeunesse la semence de débauche, qui y étoit trop fortement enracinée pour être sitôt éteinte. Cependant les dames firent de grandes réjouissances de ce qui venoit d’arriver, et, quelques-unes des croix de ces chevaliers étant tombées entre leurs mains, elles les jugèrent dignes du feu, quoique ce fût une foible vengeance pour elles. Après cela, elles crurent que cette jeunesse seroit obligée de revenir à elles ; mais elle se jeta dans le vin, de sorte que tous les jours on ne faisoit qu’entendre parler de ses excès.

Cependant, quelque débauche qu’elle fît[1], pas une n’approcha de celle qui fut faite dans un honnête lieu où, après avoir traité à la mode d’Italie celles des courtisanes qui lui parurent les plus belles, elle en prit une par force, lui attacha les bras et les jambes aux quenouilles du lit, puis lui ayant mis une fusée dans un endroit que la bienséance ne me permet pas de nommer, elle y mit le feu impitoyablement, sans être touchée des cris de cette misérable, qui se désespéroit. Après une action si enragée, elle poussa sa brutalité jusqu’au dernier excès : elle courut les rues toute la nuit, brisant un nombre infini de lanternes[2] et ne s’arrêtant que sur le pont de bois qui aboutit dans l’île[3], où, pour comble de

  1. Que fît cette jeunesse.
  2. Ces désordres étoient dans l’esprit du temps. (Voy. Edouard Fournier, Les Lanternes, histoire de l’éclairage de Paris.)
  3. Ce pont de bois étoit celui qui servoit de communication entre la cité et l’île Notre-Dame. Il fut commencé en 1614 par le sieur Marie. On l’appeloit Pont-Rouge, à cause de la couleur dont il étoit peint, et Pont-Marie, du nom de l’entrepreneur chargé de le construire.