Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/383

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la fille de M. du Plessis-Guénegaud[1], secrétaire d’État. Quoique cette qualité d’homme marié dût être fatale aux desseins de Caderousse, il avoit néanmoins le bonheur de s’insinuer par là dans le cœur de toutes les dames. En effet, c’étoit ce qui lui avoit acquis la réputation d’honnête homme, et cela parce que, ayant épousé une femme extrêmement délicate, il s’empêchoit de coucher avec elle, quoiqu’il parût l’aimer extrêmement. En effet, les médecins avoient dit qu’elle mourroit si elle mettoit jamais d’enfant au monde, et c’étoit pour cela qu’il ne l’approchoit point. Elles concluoient de là que son amitié étoit d’une autre nature que celle de la plupart des hommes, qui n’aiment les femmes que pour le plaisir qu’elles leur donnent, et qui sans cela ne les aimeroient point.

Il joignoit encore à cette bonne qualité celle d’être extrêmement discret ; ainsi, plaisant à tout le monde par tant d’endroits, il plut encore à mademoiselle de Toussi, qui n’étoit pas moins susceptible d’amour que les autres. Cette nouvelle flamme n’éteignit pas celle qu’elle avoit pour d’Hervieux, et, étant exposée à le voir à tout moment, elle se sentit un si grand cœur, qu’elle se crut capable de les aimer tous deux à la fois. Ainsi, continuant de vivre toujours avec d’Hervieux comme elle avoit commencé, elle en fit tant à la fin, qu’il se douta qu’il étoit plus heureux qu’il ne pensoit. Toutes choses le confirmèrent

  1. Claire-Bénédictine du Plessis-Guénegaud étoit fille de Henri du Plessis-Guénegaud, secrétaire d’État, et d’Isabelle de Choiseul-Praslin. Née en 1646, mariée en 1665, la duchesse de Caderousse mourut en décembre 1675.