Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/388

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du moins faire mine de s’en fâcher ; mais, faisant réflexion qu’il étoit difficile de faire dédire un homme qui étoit en réputation d’aimer sa femme, et qui parloit de bonne foi, elle tourna les choses d’une autre manière et lui dit qu’elle étoit ravie de le voir dans ces sentiments ; que, comme elle savoit que sa femme ne pouvoit pas vivre encore longtemps, elle espéroit lui donner lieu, par sa conduite, de désirer qu’elle devînt la sienne ; et que, si cela pouvoit arriver, il l’aimeroit bien autant du moins qu’il avoit fait l’autre.

Caderousse la pria de cesser une conversation qu’il disoit l’embarrasser, et, se trouvant plus heureux qu’il n’avoit espéré, il tâcha de profiter de sa bonne fortune. Mademoiselle de Toussi avoit pour le moins autant d’impatience que lui de le satisfaire, mais elle avoit les raisons du tablier, qui est un obstacle terrible pour les amants, c’est-à-dire qu’elle appréhendoit de devenir grosse. Hors de cela, elle lui accorda, après deux ou trois conversations, tout ce qu’une fille peut accorder honnêtement à un homme, et il fut maître de ce que nous appelons en France la petite oie. Elle lui promit en outre que, d’abord qu’elle seroit en état de faire davantage pour lui, elle s’en acquitteroit avec la plus grande joie du monde, et elle lui tint parole si exactement qu’il n’eut pas sujet de s’en plaindre. Quoique ce qu’elle faisoit pour lui ne fût pas contentement pour un amant fort passionné, néanmoins il vit et toucha des choses qui étoient capables de faire mourir de joie : un visage fait au tour, une bouche charmante, des dents de même, des cheveux