Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sœur femme de chambre d’une des filles de France.

La maréchale, jugeant, après ce qui venoit de se passer, que la garde d’une telle fille étoit dangereuse, songea à s’en défaire au plus tôt ; de sorte que, s’il fût venu quelqu’un dans ce moment, elle n’auroit pas pris garde s’il eût eu toutes les qualités qu’elle désiroit auparavant dans un gendre. Il y avoit peu de jours que le duc de Caderousse s’étoit offert à mademoiselle de Toussi lorsque tout cela arriva : elle avoit fait d’abord la réservée, et s’étoit plainte de ce qu’étant marié il osoit songer à elle. Enfin, pour paroître ce qu’elle n’étoit pas, elle s’étoit privée pendant quelque temps d’aller chez madame de Bonnelle. Mais, comme elle enrageoit plus que lui, elle y retourna bientôt, et lui dit que, s’il la voyoit, ce n’étoit que pour savoir si ses sentiments étoient raisonnables ; qu’elle avoit fait réflexion qu’on n’étoit pas le maître de son cœur, mais que du moins elle vouloit apprendre si sa passion n’avoit pour but que de l’épouser en cas que sa femme vînt à mourir.

Caderousse, à qui c’étoit un grand mérite, comme j’ai déjà dit, de paroître affectionné pour cette moribonde, lui répondit sans hésiter qu’il aimoit une maîtresse parce qu’elle lui paroissoit aimable, mais qu’à Dieu ne plût qu’il en souhaitât la mort de sa femme ; que, si cela arrivoit, il ne pouvoit pas répondre de ce qu’il feroit ; mais que toujours savoit-il bien qu’il en seroit au désespoir.

Mademoiselle de Toussi fut fort surprise de cette réponse : elle crut que, pour paroître sage, il falloit