Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme l’on n’est pas heureux en toutes choses, Caderousse, qui étoit grand joueur, perdit à quelques jours de là beaucoup d’argent contre le Roi, et, ne l’ayant pas tout comptant, il donna ce qu’il avoit et demanda du temps pour le reste. Le Roi, qui étoit ponctuel en toutes choses et qui vouloit apprendre aux autres à le devenir, lui fit réponse que cela étoit bien vilain de jouer sans avoir de l’argent. C’en fut assez pour le faire résoudre à prendre la poste pour aller tout vendre chez lui ; mais auparavant il voulut prendre congé de mademoiselle de Toussi, et la conjurer de ne le pas oublier dans son absence.

Elle fut au désespoir quand elle sut un départ si précipité ; elle lui offrit ses bagues et ses pierreries pour rompre ce voyage, et même de voler celles de sa mère si les siennes ne suffisoient pas. Mais Caderousse, qui prévoyoit que cela feroit trop de bruit dans le monde, et qui d’ailleurs de son naturel n’étoit pas si escroc que la plupart des gens de la cour, la remercia de ses offres. Ils se séparèrent ainsi fort satisfaits l’un de l’autre, ou, pour mieux dire, fort contents des témoignages réciproques qu’ils s’étoient donnés de leur amitié. Il promit de revenir bientôt, et elle n’en douta point, sachant le sujet qui le faisoit partir. Mais elle eut la délicatesse de lui dire qu’elle étoit fâchée de n’avoir point un peu de part dans son retour, et que le Roi l’eût tout entière. Il lui répondit là-dessus ce que devoit dire un homme qui avoit de l’esprit et qui étoit amoureux, et elle eut lieu de s’en contenter. Comme l’argent est extrêmement rare dans les provinces, il eut de la peine à trouver celui qu’il lui falloit,