Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/395

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comprendre comment la duchesse se servoit d’une personne si suspecte ; mais, ayant vu ce que la lettre contenoit, il changea son étonnement en admiration, et jugea qu’une femme qui avoit l’esprit si présent dans les commencements seroit admirable si elle pouvoit jamais joindre à un si grand naturel une expérience de quelques années. Cependant, comme cette lettre étoit conçue en termes fort amoureux, il est bon que le lecteur n’en soit pas privé.

Lettre de la duchesse d’Aumont au duc de Caderousse.


Ne vous étonnez pas si je me sers de Catherine pour vous faire savoir de mes nouvelles. Elle croit ne vous rendre qu’une lettre de compliment sur une affaire que je lui ai inventée à plaisir, au lieu qu’elle vous en rendra une où je vous ouvre tout mon cœur. Bon Dieu, la pauvre chose qu’un mari qu’on n’aime point, et qu’il y a de différence entre un homme et un homme ! Mais n’est-ce point que je m’abuse, et que ce plaisir est plus grand en imagination qu’en effet ? Car enfin, j’en ai plus seulement à me souvenir de vos folies, que de toutes les caresses qu’on a tâché de me faire depuis deux jours. Si cela est, ne m’approchez jamais de plus près que vous avez fait ; mais si vous êtes assuré du contraire, déguisez-vous ce soir, comme l’amour vous l’inspirera ; mon mari sera à Versailles, et c’est un temps trop favorable pour vous et pour moi pour ne le pas employer comme il faut.