Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/396

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Caderousse n’eut garde de manquer au rendez-vous. Il ne se déguisa pas autrement, sinon qu’il prit un habit fort commun, et, montant à cheval comme s’il fût revenu de Versailles, il s’en vint à l’hôtel d’Aumont[1] et dit au suisse[2] que c’étoit un des vingt-cinq violons du Roi, qui venoit de sa part trouver le duc pour quelque bagatelle qui regardoit l’Opéra. Or, c’étoit une chose assez ordinaire que ces sortes de commissions, car le duc, à cause de sa charge de premier gentilhomme de la chambre, avoit la surintendance sur tous les divertissements[3]. Le suisse lui répondit que son maître étoit allé à Versailles. De quoi feignant n’être pas content, il demanda à parler à la duchesse. On le

  1. L’hôtel d’Aumont étoit situé dans la rue de Jouy. Il avoit été bâti sur les dessins de Mansart, et l’on admiroit surtout les belles proportions de la façade sur le jardin. Le Brun avoit peint sur l’un des plafonds l’apothéose de Romulus.
  2. Les cent-Suisses faisoient le service des châteaux royaux ; dix d’entre eux étoient détachés chez la Reine et un chez le chancelier. Mais dans un temps où, comme dit La Fontaine, tout marquis vouloit avoir des pages, tout grand seigneur voulut avoir son Suisse. A défaut de vrais Suisses, on se contenta, comme chez Chicaneau, de Petit-Jean venus de toutes les parties de la France :
    On m’avoit fait venir d’Amiens pour être Suisse.

    Cet usage est consacré par Furetière, qui, au mot portier, donne cet exemple : Les Suisses sont les portiers des grands seigneurs.

  3. Il y avoit quatre premiers gentilshommes de la chambre, et ils servoient chacun pendant une année. Ils étoient logés au Louvre et entroient dans le carrosse du Roi. « C’est aux premiers gentilshommes de la chambre, dit l’État de la France, à faire faire tous les habits de deuil, tous les habits de masques et comédies, et pour les autres divertissements de Sa Majesté. »