Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/401

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trouvé quelque chose sous les pieds qui en fût cause. Cependant, il n’auroit peut-être jamais eu la force de se relever si la duchesse ne fût accourue à son secours ; mais, s’étant jetée à son cou, elle lui demanda si, après toutes les alarmes qu’elle venoit d’avoir, il étoit encore résolu de la désespérer. « C’est vous qui me désespérez, Madame, répondit Caderousse, et je croyois que, vous ayant donné mon cœur, je ne devois pas partager le vôtre avec un mari qui, comme je vous ai déjà dit, vous aime si peu, qu’il y a deux jours tout entiers qu’il est avec vous, et cependant…. » Elle ne lui donna pas le temps d’achever, et, s’étant emportée à des caresses tout à fait touchantes, non-seulement elle le fit relever, mais elle lui fit sentir encore qu’il n’étoit pas tout à fait mort. Il voulut lui en donner des marques à l’heure même, à quoi s’opposant foiblement, sous prétexte qu’il n’étoit pas en état de cela après un si long jeûne, il la jeta sur un lit, où elle n’eut jamais tant de plaisir. Elle fit un grand nombre de soupirs, dont ce pauvre amant fut si charmé qu’il oublia ceux qu’elle avoit faits avec le duc.

Un si doux moment pensa être cependant le dernier de sa vie ; la foiblesse où il étoit le fit évanouir lorsqu’il ne pensoit être que pâmé, et la duchesse s’apercevant que cela duroit trop longtemps pour être naturel, elle se débarrassa le mieux qu’elle put pour courir au secours. Elle fut promptement chercher une bouteille d’eau de Hongrie, et lui en ayant frotté le creux des mains, les tempes et les narines, il revint enfin à lui, mais si foible qu’il avoit de la peine à se soutenir.