Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/413

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vous dévisage. » Elle s’esquiva au même temps, et il ne la put jamais joindre, parce qu’elle avoit pris tout exprès la duchesse de Créqui[1] par-dessous le bras, avec qui elle s’en alloit.

Un traitement si extraordinaire eut de quoi le surprendre, lui qui croyoit que tous les sujets de plainte étoient de son côté. Cependant la marquise de Rambures, après avoir si bien réussi dans le projet qu’elle avoit fait de les brouiller ensemble, fit son possible pour venir à bout du reste : c’est pourquoi elle le pria de venir chez elle, où on devoit jouer, et, afin qu’il y fût attiré par la bonne compagnie, elle dit la même chose à tous les gens de la cour. L’assemblée fut bientôt des plus nombreuses, mais non pas des mieux choisies. La marquise de Rambures, qui s’encanailloit aisément, y souffrit de certaines gens qui n’avoient point d’autre caractère que celui de joueurs, et à qui l’on imputoit même de savoir jouer avec adresse. Cela rebuta bien d’honnêtes gens d’y aller, et à plus forte raison d’avoir quelque pensée pour elle : car, d’ailleurs, bien loin d’avoir quelques charmes, on pouvoit dire qu’elle étoit des plus laides ; avec toutes ces méchantes qualités, elle avoit encore celle d’être déjà vieille[2], ce qui n’étoit pas un ragoût pour un

  1. La duchesse de Créqui étoit Armande de Saint-Gelais-Lusignan de Lansac ; son père étoit oncle de la maréchale de La Mothe. La duchesse de Créqui étoit donc cousine-germaine de la maréchale de La Mothe, tante, à la mode de Bretagne, de la duchesse d’Aumont. (Cf. ci-dessus, note 303.)
  2. Nous ne saurions préciser l’âge de madame de Rambures ; mais, mariée en 1656, mère seulement en 1661 d’un fils, aîné de la famille, qui mourut en 1679, elle ne pouvoit guère avoir moins de trente-six à trente-sept ans à l’époque qui nous occupe.