Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/415

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son esprit qu’il n’alloit avoir que les restes d’une infinité de monde, les forces qu’il sentoit un moment auparavant commencèrent à l’abandonner. Il fit ce qu’il put pour rappeler sa vigueur ; mais, quoiqu’il se dît qu’il y alloit de son honneur à ne pas demeurer en si beau chemin, tout ce qu’il se put dire fut inutile. Il se crut obligé, dans un si grand abandonnement de la nature, de faire des excuses proportionnées à la faute qu’il commettoit malgré lui ; mais, ne sachant par où s’y prendre, il se fut jeter de désespoir sur un lit de repos. La marquise de Rambures, qui, bien loin de se défier de son malheur, croyoit toucher au doux moment qu’elle désiroit depuis si longtemps, s’y en fut en même temps avec lui, et, le prenant entre ses bras, elle lui fit connoître qu’elle ne vouloit rien lui refuser ; mais, comme elle vit qu’il ne répondoit que par des baisers languissants à l’ardeur qui la consumoit, le cœur lui dit qu’elle étoit encore éloignée de ses espérances, et, pour en être plus sûre, elle chercha à s’en éclaircir par un attouchement qui lui fût sensible. D’abord qu’elle eut porté la main où elle vouloit, elle se repentit d’avoir été si curieuse, et n’y trouvant rien qui ne lui fit connoître son malheur : « A quoi dois-je attribuer ce que je vois ? lui dit-elle, et êtes-vous insensible pour moi, pendant que vous êtes si sensible pour les autres ? Ne sortez-vous point d’avec la duchesse d’Aumont, et faut-il qu’elle vous réduise au pitoyable état où vous êtes ? » Ce discours le surprit, lui qui ne savoit pas qu’elle fût si bien instruite de ses affaires. Aussi, étant bien éloigné de croire qu’elle en pût parler si affirmativement : «