Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/419

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mérite de la duchesse, elle embrassa de nouveau ce pauvre convalescent ; mais, son imagination n’étant pas assez forte pour soutenir à la réalité d’un squelette l’idée du plus beau corps du monde, son feu s’éteignit en même temps, et, quoiqu’elle y mît la main pour le rattiser, les cendres étoient déjà si froides, qu’on eût dit qu’il n’y en avoit point eu depuis huit jours. Si elle n’avoit espéré quelque changement après le dîner, elle avoit assez de sujet de se mettre en colère pour lui dire bien des choses ; mais, ne voulant rien précipiter, elle résolut de se donner patience jusque-là.

Cependant l’on servit à manger, et elle prit soin de lui mettre sur son assiette tout ce qu’il y avoit de meilleur. Elle eut soin aussi de ne l’entretenir que de choses agréables, ne sachant néanmoins si tout cela seroit capable de produire un bon effet. Et, à la vérité, quoiqu’il parût réjoui de la conversation, et que d’ailleurs il mît quantité de bons morceaux dans son ventre, il n’y avoit que lui qui s’enflât, et le reste étoit toujours si languissant que c’étoit grand’pitié.

Comme on étoit près d’apporter le dessert, et qu’il étoit plus embarrassé que jamais par la conclusion du repas qui s’approchoit, un de ses laquais entra, qui lui dit que sa femme étoit extrêmement mal, et que, s’il la vouloit voir encore avant de mourir, il se devoit hâter de venir au logis. Quoique cette nouvelle l’affligeât, comme elle le tiroit d’un grand embarras, il n’y fut pas si sensible qu’il l’auroit été le matin. Il se leva en même temps, et, priant la marquise de l’excuser