Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/420

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s’il la quittoit si brusquement, il monta en carrosse et s’en fut chez lui, où il trouva que les choses n’étoient pas tout à fait si désespérées que le laquais les avoit faites. Sa femme, qui avoit eu une grande foiblesse, en étoit revenue, et son mal, qui étoit à proprement parler une certaine langueur, que les médecins appellent phthisie, donnant lieu de croire que son heure n’étoit pas encore si proche, il eut de quoi se consoler. Je ne saurois dire au vrai s’il en rendit grâces au Ciel ; mais toujours le remercia-t-il de ce que cet accident avoit servi à le tirer d’affaire. Cependant, comme il se doutoit bien que la marquise ne manqueroit pas d’envoyer savoir des nouvelles de sa femme, il donna ordre non-seulement qu’on dît à ceux qui viendroient de sa part qu’elle étoit toujours bien malade, mais qu’il l’étoit aussi lui-même. Pour cet effet, il s’empêcha de sortir de quelques jours, pendant lesquels elle l’envoya visiter, et elle y seroit encore venue elle-même si elle n’eût craint d’apprêter un peu trop à parler dans le monde.

Un contre-temps si fâcheux donna beaucoup de chagrin à cette dame, qui étoit pleine de vivacité, comme je crois déjà l’avoir dit, et qui de plus n’avoit point de repos jusqu’à ce qu’elle eût exécuté le dessein qu’elle pouvoit avoir conçu une fois. Elle se dit néanmoins, pour se consoler, que l’abattement où elle avoit vu Caderousse étoit un commencement de la maladie qui venoit de le saisir, et cela servit à lui ôter quelque soupçon qu’elle avoit eu que c’étoit peut-être par quelque dégoût qu’il avoit pris pour sa personne.