Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/430

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cruel, qu’il romproit toutes choses, si cela la satisfaisoit ; qu’elle venoit de lui rendre sa lettre, qu’il lui rapportoit avec protestation qu’il n’avoit jamais été homme à lui faire une réponse pareille à celle qu’elle avoit reçue, que, bien loin de là, il l’avoit toujours autant aimée et autant estimée que quand elle avoit eu de la bonté pour lui ; qu’il ne disoit point cela par intérêt, étant à la veille d’épouser une femme avec laquelle il s’efforceroit de bien vivre, mais pour lui faire seulement connoître la vérité. Madame d’Aumont trouva ce procédé fort sincère, mais fort peu galant. Faisant mine néanmoins d’en être la plus contente du monde, elle lui répondit qu’elle seroit au désespoir de s’opposer à son bonheur ; qu’elle souhaitoit qu’il eût toute sorte de contentement dans son mariage ; qu’elle le prioit seulement d’épargner la réputation de celles qui avoient eu de la considération pour lui.

Madame d’Aumont étoit en l’état que nous venons de dire quand le marquis de Biran fit dessein de l’aimer. Son entreprise n’étoit pas difficile dans le fond, puisqu’elle avoit déjà été sensible ; cependant, à bien examiner toutes choses, elle l’étoit plus qu’on ne pensoit : car, soit que cette dame eût du chagrin de l’affaire de Caderousse, ou qu’elle voulût plaire à son mari, qui continuoit dans sa dévotion, elle s’y étoit jetée elle-même, ou du moins elle en faisoit semblant ; de sorte que les dames de la Cour la citoient à leurs filles, les maris à leurs femmes, comme un exemple de vertu. Biran, qui avoit eu plusieurs commerces qui lui avoient appris qu’il n’y avoit rien si de trompeur que les