Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/435

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Biran lui baisa la main en signe de remerciement ; mais elle s’approcha si près de lui, pour voir peut-être s’il ne puoit point[1], qu’elle lui donna si belle, qu’il la baisa. Elle y trouva tant de plaisir, qu’elle ne se souvint pas que, pour soutenir son caractère de prude, il falloit faire semblant, du moins, de se retirer ; et Biran, de son côté, ayant trouvé une haleine admirable, se sentit transporter : de sorte, en un instant, que la force de son tempérament lui fit faire une chose qui arrive assez souvent aux jeunes gens. Quand la duchesse n’auroit pas été assez habile pour s’en apercevoir, sa jupe, qui étoit toute gâtée, ne lui permettoit pas d’en douter. Elle ne sut dans ce moment quel parti prendre, ou de la sévérité, ou de la douceur : car, si, d’un côté, elle n’étoit pas fâchée de le voir si sensible, elle n’étoit pas bien aise, de l’autre, que cet accident l’eût remis dans un état plus modéré, et qui lui donnoit moins de plaisir. Ainsi, comme, toute dévote qu’elle vouloit paroître, elle étoit personne à se laisser maîtriser par ses sens, elle se fâcha de ce qui venoit d’arriver, et lui dit qu’elle étoit ravie qu’il n’eût pas tardé plus longtemps à se faire connoître ; qu’il étoit sans façon du moins, s’il étoit peu respectueux, mais que cela suffisoit pour la rendre sage.

  1. On se rappelle les reproches faits à Louis XIV par madame de Montespan. Louis XIII, dit Tallemant, pensant faire le bon compagnon, disoit : « Je tiens de mon père, moi ; je sens le gousset. » Et quant à Henri IV, madame de Verneuil ne craignit pas de lui dire un jour que bien lui prenoit d’être roi ; que sans cela on ne le pourroit souffrir, et qu’il puoit comme charogne. A ce compte-là, le baron de Fæneste étoit noble comme le Roi.