Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/434

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plusieurs fois à elle-même comment elle en useroit quand il viendroit à se découvrir ; mais, quoiqu’elle eût fait résolution de l’éprouver longtemps devant que de lui faire connoître la moindre chose, elle ne se put empêcher de lui faire cette réponse :

Réponse de la Duchesse d’Aumont au Marquis de Biran.


Je ne sais à quoi attribuer les sentiments que j’ai pour vous. Je sais bien que je ne vous aime pas assez pour dire que votre déclaration me plaît ; mais aussi je ne vous hais pas assez pour m’en offenser. Après m’être bien examinée, je ne puis croire autre chose sinon qu’il entre un peu de vanité dans mon fait. Je sens que je serois ravie de faire dire que vous seriez devenu honnête homme auprès de moi. C’est donc à vous à voir si vous voulez changer de vie, car sans cela je ne saurois me résoudre à vous voir, et je vous dirois franchement que vous pouvez prendre parti ailleurs.

C’en étoit assez dire à un homme intelligent pour lui faire voir qu’il étoit heureux. Aussi Biran ne manqua pas de lui aller assurer à l’heure même qu’il ne vouloit plus vivre que de la manière qu’elle lui ordonneroit. Cependant, comme il étoit jeune, et qu’auprès d’une belle femme son tempérament le rendoit toujours amoureux, il s’exprima avec tant d’agrément, qu’après qu’elle eut tiré promesse qu’il seroit plus discret qu’il n’avoit été avec les autres, elle lui permit d’espérer.