Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/437

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verroit encore tout autre chose quand il seroit en haleine ; ce qui l’auroit beaucoup réjouie, si elle n’eût su qu’il étoit Gascon.

Ils avoient pris tous deux tant de goût au métier, qu’ils ne s’étoient pas aperçus qu’il y avoit un juste-au-corps[1] du duc d’Aumont sur le lit, que les valets de chambre avoient oublié par mégarde. Après le premier acte, Biran le remarqua et dit à la duchesse qu’il le falloit ôter. Mais elle, pour lui faire voir le mépris qu’elle avoit pour son époux, lui dit qu’elle voudroit qu’il y fût aussi, et qu’elle le feroit servir lui-même de matelas. Cette réponse ne plut pas à Biran, tout débauché qu’il étoit, et il crut qu’une femme qui étoit capable de dire une chose comme celle-là l’étoit encore de tout faire sans rougir. Néanmoins elle lui recommanda le secret, s’il vouloit que leur commerce durât longtemps. Cependant, pour faire accroire au monde que sa dévotion n’étoit pas ralentie, elle fut le même jour à l’Hôtel-Dieu, où, de la même main dont elle avoit touché ce que je n’ose dire, elle ensevelit un mort.

Cette entrevue fut suivie de beaucoup d’autres, mais de moindre rapport pour la dame que n’avoit été celle-là ; ce qui lui fit dire à Biran qu’elle ne s’étoit pas méprise quand elle avoit dit qu’il étoit Gascon. Le duc ne s’aperçut nullement de ce commerce, et fut au contraire si infatué de sa femme, qu’il commença à prôner

  1. Le juste-au-corps étoit une partie de l’habillement, sorte de veste qui tomboit jusqu’aux genoux, serrant le corps et montrant la taille. Le juste-au-corps, autrefois uniquement réservé aux gens de guerre, étoit alors à la mode dans toutes les classes, et on le portoit en drap, en velours, etc.