Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/438

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lui-même sa vertu. Cependant les trois amis se demandoient souvent des nouvelles de leurs maîtresses ; en quoi il n’y eut que le chevalier de Tilladet qui fut de bonne foi : car il dit tout d’un coup, sans se laisser donner la gêne, que la duchesse de la Ferté étoit la meilleure femme du monde et de la meilleure composition ; que cependant il ne croyoit pas qu’elle l’obligeât à être constant ; qu’elle étoit d’un appétit désordonné, et qu’il faudroit avoir d’autres forces que les siennes pour ne pas tomber sur les dents. Biran et Roussi lui répondirent que c’étoit peut-être sa faute ; que, quand on s’attachoit auprès des dames, il falloit renoncer à tous ses amis, et qu’il n’avoit peut-être pas encore quitté le comte de Tallard. Il leur avoua qu’il le voyoit bien quelquefois, mais que, depuis que Tallard s’étoit mis en tête de faire monsieur le duc cocu, j’entends à l’égard de la comtesse de Maré[1], sa maîtresse, il n’avoit plus de considération pour lui ; qu’il s’étonnoit comment le plaisir d’avoir le reste d’un prince du sang étoit si grand qu’il en fît oublier d’autres où l’on avoit paru si sensible ; que pour lui, bien loin d’en être de même, il étoit tout prêt à retourner à ses anciennes inclinations ; qu’il y trouvoit quelque chose de plus solide et de plus touchant qu’avec les femmes ; qu’elles avoient toutes des défauts dont il ne se pouvoit accommoder, et qu’en un mot il n’en avoit point trouvé, depuis qu’il étoit au monde, qui ne fussent comme si elles venoient d’accoucher ; que, petites et grandes, elles étoient toutes de même

  1. Voy. ci-dessus, p. 240.