Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/440

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dire : il est bossu devant et derrière, a les bras plus courts l’un que l’autre, et, jusqu’aux jambes, on ne voit rien qui ne fasse peur. Cependant, ayant tant sujet de se plaindre de la nature, elle l’a récompensé d’une belle qualité : il a de grands talents pour les dames ; et si sa figure ne rendoit tout ce qui vient de lui désagréable, il pourroit suffire à toutes celles qui en voudroient tâter. Cela est cause qu’il se rabat sur la première venue, et il en a souvent des faveurs qui l’obligent d’avoir recours au chirurgien.

Une aventure comme celle-là l’avoit brouillé avec sa femme, à qui il avoit déjà fait le même présent plusieurs fois. Ainsi, comme elle ne couchoit plus avec lui, elle fit entendre au comte de Roussi qu’elle avoit assez d’estime pour lui accorder toutes choses, mais que la conjoncture demandoit qu’il se donnât patience. Cependant, pour entretenir chalandise, elle lui dit qu’il pouvoit toujours prendre d’avance ce qu’elle lui pouvoit accorder, et il se trouva si heureux de ces accessoires qu’il jugea que sa fortune n’auroit point de pareille s’il en pouvoit jamais venir plus avant.

La querelle du duc et de la duchesse avoit fait grand bruit dans le monde, et, comme le duc avoit récidivé plusieurs fois et que la duchesse avoit juré qu’elle ne le lui pardonneroit plus, on n’osoit presque s’entremettre de les réconcilier. Si le comte de Roussi se fût déclaré auparavant, il auroit empêché cet éclat, et l’envie qu’elle auroit eue de tâter de l’amant lui auroit fait souffrir le mari avec tous ses défauts. Mais par malheur il n’étoit venu qu’après la querelle, si bien qu’il