Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/443

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elle lui dit que c’étoit comme cela qu’en usoient ceux qui vouloient se dégager ; que les prétextes ne manquoient jamais, mais que la difficulté étoit de justifier ce qu’on disoit. Elle en alloit dire bien davantage, si le duc d’Enghien, perdant patience, n’eût tiré une lettre de sa poche, que ses bienfaits lui avoient fait recouvrer des mains de ceux qu’elle employoit dans ses amours, et, la lui faisant voir, il lui demanda, tout en colère, si c’étoit là un prétexte ou une vérité. Il est aisé de juger de sa confusion à cette vue : elle demeura un quart-d’heure comme s’il lui eût coupé la langue, pendant quoi le duc ne discontinua point ses reproches. Enfin, étant las de tant parler, il passa aux effets, qui fut de casser des porcelaines dont il lui avoit fait présent. Elle se jeta sur lui pour l’empêcher de faire un plus grand désordre, ce qui l’irrita encore davantage. En effet, il fit réflexion, dans ce moment, qu’une femme qui avoit été si insensible à tout ce qu’il lui avoit dit, et qui l’étoit si fort à une perte de si petite conséquence, ne l’avoit jamais aimé que par intérêt.

Ainsi il recommença à se venger sur ce qu’il lui avoit donné, et ce fut un si grand fracas qu’on n’en avoit jamais vu de pareil. La comtesse, voyant tant d’emportement, lui dit qu’elle s’en plaindroit au Roi, et qu’il n’entendoit pas qu’on traitât de la sorte une femme de sa qualité. Mais lui, qui étoit fier au delà de l’imagination, lui fit réponse qu’il ne savoit à quoi il tenoit qu’il ne lui fît couper la jupe. Si elle eût eu autant de force que de courage, elle l’auroit dévisagé après ces paroles. Aussi se jeta-t-elle sur lui toute furieuse,