Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/446

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voulu qu’elle devînt grosse de son fait, ce fut une étrange alarme. Comme Tilladet n’avoit pas pour elle cet amour délicat qui fait qu’on craint pour la personne aimée, il lui dit, quand elle lui fit confidence de cet accident, qu’elle avoit tort de s’en mettre en peine ; que son mari n’étoit pas plus à craindre pour elle que le maréchal[1] son père ne l’avoit été pour sa femme ; qu’elle avoit eu un enfant du duc de Longueville dans le temps qu’elle ne couchoit point avec lui ; qu’elle ne s’en portoit point plus mal pour cela, ni qu’elle n’en alloit pas moins la tête levée.

Ces raisons ne satisfirent point la duchesse de La Ferté ; au contraire, elle se scandalisa de lui voir des sentiments si indifférents, et, ayant pleuré et gémi pendant une heure, elle trouva moyen de l’attendrir, ce qui étoit une chose fort extraordinaire pour lui. Cependant, comme il n’étoit pas un homme de grand expédient, il lui avoua franchement qu’il ne savoit quel emplâtre y mettre ; mais que, si elle vouloit, il avoit des amis qui étoient assez éveillés pour l’assister au besoin. D’abord que la duchesse l’entendit parler de la sorte, elle fit encore plus de cris qu’elle n’avoit fait auparavant ; elle lui demanda s’il étoit fou de vouloir dire ces sortes de choses à personne, et si ce n’étoit pas proprement la vouloir perdre.

Tilladet, pour lui faire quitter tout d’un coup ces vaines frayeurs, crut qu’il n’étoit pas besoin de finesses avec elle, et, lui avouant ingénuement que son amour n’étoit point un coup de l’étoile,

  1. Voy. dans ce volume, p. 230 et 234.