Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/452

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chère. Plusieurs autres personnes s’y trouvèrent aussi et le louèrent fort de son repas, qui avoit été mieux apprêté qu’il ne fut payé ; car au bout de six mois le traiteur fut obligé de lui faire donner assignation, et, s’il ne l’eût menacé de lui faire arrêter son carrosse[1], il ne l’auroit pas contenté sitôt.

La suite de ce repas eut le succès pour lequel il avoit été fait. Le duc et la duchesse couchèrent ensemble, ensuite de quoi elle songea à faire venir son amant, avec qui il lui étoit permis maintenant de se divertir tout à son aise. Par malheur pour elle il étoit allé à la Ferté-sur-Joire, terre qu’a son père aux environs de la ville de Meaux[2]. Ainsi elle fut obligée de presser son retour par une lettre dont voici la copie :

Lettre de la Duchesse de Ventadour au Comte de Roussi.


Vous ne me direz plus que je ne vous aime pas. Je me viens de raccommoder avec mon magot pour l’amour de vous, et, comme je crois être entre les bras d’un singe quand je suis obligée de le souffrir, je crains à tous

  1. Il n’étoit pas rare qu’un créancier fît arrêter le carrosse même d’un grand seigneur. Segrais raconte, entre autres vicissitudes du comte d’Elbène, qu’un créancier étant parvenu à l’attirer jusque dans la rue à la suite d’une visite qu’il lui avoit faite, osa, de son autorité privée, le faire saisir par quatre hommes, jeter dans un carrosse de louage, et conduire, de son chef, dans une prison, où le comte resta trois jours.
  2. Nous écrivons autrement le nom de cette ville, appelée aujourd’hui La Ferté-sous-Jouarre.