Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/454

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officiers avoient inspiré la vanité, ne se vit pas plutôt un amant de la trempe de Biran, qu’elle méprisa tous les autres ; et, ayant peur qu’un homme de la cour ne se rebutât si elle le faisoit languir, elle ne le fit attendre que jusqu’à ce qu’il lui demandât quelques faveurs.

La duchesse d’Aumont, qui avoit admiré plusieurs fois la constance qu’il avoit eue pour elle, n’en étoit pas si bien assurée qu’elle n’eût pris des mesures pour être avertie s’il retournoit à son penchant. Ainsi, ayant su peu de jours après ce qui se passoit, elle entra dans une jalousie qui ne lui laissa plus de repos. Elle lui écrivit donc en des termes qui témoignoient son ressentiment ; mais, quoique Biran l’aimât, elle avoit tort d’être absente, et, toute charmante qu’elle étoit, il se contenta de lui donner de belles paroles, pendant qu’il continua avec l’autre son petit commerce, qui dura tant qu’il fut obligé d’être à la garnison.

Ainsi, n’ayant point changé de conduite, il outra tellement la duchesse que, quand il fut de retour, elle ne le voulut plus voir. Ce fut alors qu’il reconnut le tort qu’il avoit eu de préférer une petite bourgeoise, plus laide que belle, à une femme de qualité toute charmante. Cependant son repentir ne fut pas capable de lui faire obtenir sa grâce, si bien qu’il lui prit fantaisie de retourner à la garnison pour insulter celle qui étoit cause de son malheur. Voilà sans doute une résolution bien bizarre pour un homme d’esprit, et qui venoit de témoigner tant de tendresse à une femme ; mais, ne croyant que ce moyen-là pour regagner la confidence de l’autre, il arriva