Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/456

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vingt-quatre heures, pendant lesquelles il dit au lieutenant de faire ses affaires.

Jamais on n’avoit ouï parler d’une conduite comme celle-là, et c’étoit ce qui désespéroit la petite La Grange ; mais, se voyant entre ses mains, la crainte qu’il n’exécutât ses menaces la fit résoudre, non pas à faire ce qu’il disoit, mais à tâcher de gagner le lieutenant, afin qu’il lui fît accroire tout ce qu’elle voudroit. Elle lui promit pour cela non-seulement la protection de son mari, mais encore une assez bonne somme. Mais celui-ci, qui étoit pitoyable comme un homme de guerre, lui fit réponse qu’elle se trompoit si elle le croyoit capable de mentir à son colonel ; et, comme il avoit pris ses manières depuis le temps qu’il le hantoit, il ajouta qu’elle avoit tort de faire la réservée ; qu’elle avoit peut-être accordé des faveurs à gens qui ne le valoient pas, et qu’il lui conseilloit d’en user plus honnêtement, si elle vouloit qu’on en usât bien avec elle.

S’il est vrai ce que la médisance rapporte, il faut croire qu’elle fit réflexion à un discours si pressant. Quoi qu’il en soit, le lieutenant se vanta, après être sorti d’avec elle, qu’elle s’étoit rendue à la raison ; et on y ajouta d’autant plus de foi qu’il dit de certaines circonstances de ses beautés cachées dont on ne pouvoit parler si assurément à moins que de les avoir vues. Elle crut après cela qu’elle étoit en repos du côté de son mari ; mais Biran poussant les choses jusqu’à l’extrémité, il lui envoya un homme exprès à un endroit où il étoit allé, pour l’avertir que,