Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’il vouloit sauver l’honneur de sa femme, il falloit qu’il revînt en diligence ; autrement qu’il alloit faire naufrage dans un rendez-vous qu’elle avoit donné. La Grange quitta les affaires du Roi pour les siennes, mais ce fut pour essuyer mille railleries piquantes qu’il lui fit ; de sorte que, comme il n’étoit pas d’ailleurs trop prévenu de la vertu de sa moitié, il commença à faire méchant ménage avec elle, et la renvoya peu de temps après chez ses parens ou dans une religion.

Biran, ayant fait cette belle manœuvre, s’en retourna en poste à Paris, où il prouva à la duchesse d’Aumont la violence de son amour par le tour scélérat qu’il venoit de faire. La duchesse, qui n’étoit pas différente de la plupart des femmes, qui aiment le sacrifice, fut ravie de celui-ci, et, après s’être fait prier quelques moments, elle le remit enfin dans ses bonnes grâces.

En ce temps-là l’on continuoit toujours à jouer chez la marquise de Rambures, où le chevalier Cabre s’étoit si bien introduit qu’il étoit devenu le tenant. Caderousse, qui connoissoit le tempérament de la dame, en étoit au désespoir, par l’intérêt qu’il étoit obligé de prendre à sa conduite, après être entré dans sa famille. Cependant il n’y pouvoit que faire, la marquise étant d’un âge à faire plutôt des réprimandes aux autres qu’à souffrir qu’on lui en fît. En effet, elle n’étoit pas à ignorer qu’un commerce si honteux la ruinoit de réputation ; mais sa folie, qui alloit jusqu’à l’excès, fut enfin au-delà de toute sorte d’imagination. Elle devint jalouse de ce petit