Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/462

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du papier et de l’encre, il écrivit en ces termes à la duchesse :

Lettre du Marquis de Biran à la Duchesse d’Aumont.


Je viens de remercier le Roi de ce qu’il m’a choisi pour épouser une demoiselle qu’il n’a pas haïe. C’est vous en dire assez pour vous apprendre que je ne l’aimerai jamais, et que vous serez toujours maîtresse de mon cœur. Si vous vous étonnez que je fasse un pas comme celui-là, prenez-vous en à vous-même, et non pas à moi, qui ne crois pas manquer d’honneur pour cela. Je veux vous témoigner que, bien loin d’aimer mademoiselle de Bois-Franc, comme vous vous êtes imaginée, je ne me marie que parce qu’on le veut, ou plutôt parce que j’épouse une personne qui ne pourra jamais vous donner de jalousie.

La duchesse d’Aumont trouva dans cette lettre des consolations merveilleuses. « Ah ! le pauvre garçon ! s’écria-t-elle aussitôt, qui eût cru qu’il eût été de si bonne foi que de vouloir être cocu pour l’amour de moi ! » Et, après plusieurs exclamations de cette sorte, elle eut la malice de lui demander un rendez-vous pour le lendemain, sachant que le jour d’après il devoit être marié. Biran, que je nommerai dorénavant le duc de Roquelaure, puisqu’il devoit être déclaré tel par le Roi, n’eut garde de refuser le cartel, et, pour lui faire voir qu’il ne vouloit vivre que pour elle, il se ménagea si peu que jamais il n’avoit fait paroître tant de courage. La paix s’étant faite aisément de cette manière, elle lui